LE FRÈRE POLYCARPE
Le 9 janvier, journée qui lui est consacrée

    

Cher ami,

Un mot pour te dire que je n’ai pas sous la main, comme tu me le demandes, un écrit récent sur le frère Polycarpe.  

Puisque l’occasion de rédiger quelque chose sur le sujet s’offre à moi, je le fais en commentant trois choses: 1) la fondation de la province d’Amérique; 2) l’élaboration d’une Règle de vie et 3) la vision de la vie religieuse et apostolique qu’avait le frère Polycarpe pour les frères de l’institut qu’il dirigeait.  

Comme entrée en matière, disons que le frère Polycarpe a assumé la responsabilité de l’institut comme supérieur général en 1841. Un programme de «restauration» l’attendait, comme s’exprime le frère Stanislas, spécialiste en histoire de l’institut. Il fallait revoir la législation, rétablir la situation des finances plus que précaire, pousser la formation des jeunes candidats et surtout relever les courages.  

À la mort du frère Polycarpe, le 9 janvier 1859, l’institut était de nouveau sur une lancée. Si en 1841 on ne comptait que 85 frères et novices, leur nombre atteignait 409 à la fin de sa vie. C’est dire le zèle exceptionnel dont a fait preuve le frère Polycarpe et la foi inébranlable qu’il avait dans la mission de l’institut.  

La fondation de la province d’Amérique  

En septembre 1846, cinq frères quittèrent Paradis pour aller prendre charge d’un orphelinat à Mobile, aux États-Unis. Par un geste audacieux et prophétique, le frère Polycarpe avait accepté, ce qui était une première, un projet de fondation en dehors de la France. Le développement que connaîtra l’œuvre d’Amérique sera remarquable. C’est par une correspondance assidue que le frère Polycarpe encourageait et soutenait les frères d’Amérique. Durant son mandat, il envoya 36 sujets aux États-Unis.  

Rappelons que c’est de Mobile que sont venus quelques-uns des frères qui ont fondé le collège d’Arthabaska en terre canadienne (1872). Jusqu’en 1900, frères américains et frères canadiens relevaient d’une seule province communautaire, la province d’Amérique. C’est cette province que le frère Polycarpe avait érigée et accompagnée de ses conseils et de ses prières, et  dans laquelle il avait projeté son esprit.  

L’élaboration d’une Règle de vie  

Le mérite du frère Polycarpe a été de poser une base pour une législation qui soit propre aux frères du Sacré-Cœur. La Règle du frère Polycarpe subira une refonte en 1867, durant le mandat du frère Adrien, qui ne reproduira dans sa Règle qu’une vingtaine d’articles de la règle de son prédécesseur. 

Le frère Polycarpe avait bien compris qu’il fallait sauvegarder l’idéal évangélique et la spécificité de la vie religieuse. Quant aux prescriptions et aux pratiques, il lui paraissait normal qu’elles passent par le creuset de l’expérience. Le rôle des chapitres était d’adapter ces dernières selon les besoins et les circonstances.  

La vision de la vie religieuse et apostolique qu’avait le frère Polycarpe pour les frères de l’institut qu’il dirigeait.  

Dans la positio, document publié en 1968, qui présente, à la congrégation pour les causes des saints l’héroïcité des vertus du frère Polycarpe, on trouve à la page 175 les éléments essentiels qui, pour le frère Polycarpe, constituent la vie religieuse.  

Je me permets de transposer en langage contemporain l’invitation qu’il fait aux frères à l’occasion de ses souhaits du nouvel an (circulaire du 12 janvier 1848). Il les prie d’approfondir la réalité de leur vocation, de bien cerner leur identité de religieux.  

Il leur propose donc une méditation sur sept éléments de la vie religieuse, éléments qui contribuent à faire d’eux ce qu’ils réclament être devant Dieu et devant le monde.  

Ces pistes de réflexion ont, je pense, à être reprises périodiquement, car elles rejoignent le cœur même du projet de vie religieuse.  

Les voici :  

  • ne pas stagner, aller de l’avant;

  • vivre ses vœux dans une perspective de généreuse  consécration à Dieu; 

  •  entrer de tout cœur dans le projet de vie explicité dans la Règle de vie;

  • participer diligemment à la vie communautaire;

  • discerner la volonté de Dieu dans un véritable esprit d’obéissance;

  • garder l’unité;

  • demeurer sur le chemin de la prière.

Voilà, cher ami, ce que je livre comme message aujourd’hui. Mon intention est de dire simplement pourquoi nous tenons à évoquer la grande figure du frère Polycarpe en ce début de  janvier. Et pourquoi nous le prions de nous aider à faire face aux défis que présente notre société actuelle.

Bien fraternellement,

 
Jean-Claude Éthier, S.C.

 

Jean-Claude Éthier, S.C., est l’auteur d’un livre intitulé : Les Frères du Sacré-Cœur, Leur apostolat au Canada 1900-2004, Commentaire historique, Essai, paru en 2004. Cet ouvrage l’a souvent conduit à traiter de la dimension missionnaire dans les réalisations des frères canadiens. Il s’en est inspiré pour l’article qu’il nous propose ici.